Une question de langage

(Pour éviter la « poésie », voilà un guide pour les « débutants » voire les « initiés ».)

 Source: « Apprendre à regarder »

En quelques mots et photos, approcher de l’ineffable, Blog de David Lerouge, prêtre à Cherbourg

Juste histoire de mettre les choses au clair, et vous éviter de passer pour de grosses buses quand vous débarquerez au presbytère, voici une série de phrases qu’il ne faut plus jamais dire, sous peine de vous faire repérer aussi sec comme un débutant voire un plouc.

“on voudrait une bénédiction, pas un mariage”logo-sacristains-200

Ah ben ça tombe mal, parce qu’on ne fait que les mariages, dans lesquels il y a toujours une bénédiction (nuptiale). le sacrement du mariage (donné par les deux époux pendant l’échange des consentements) est un sacrement à part entière. Certains choisissent de le vivre au cours d’une messe (de mariage, donc) ou sans cette messe… mais quoiqu’il arrive, il ne s’agit jamais d’une “simple bénédiction”.

on a payé, on a le droit (/parce qu’en plus il faut payer?)

Les sacrements, c’est donné, ce qui n’empêche pas de faire une offrandesubstantielle dont le montant est souvent d’ailleurs indiqué (et conséquent) pour faire vivre l’Eglise. Soit dit en passant, la location d’un tel bâtiment, plus les quelques heures à vous accompagner, si elles étaient facturées, on ne jouerait pas dans la même catégorie… Et en plus dans l’Eglise, on célèbre le Christ (en diverses occasions de la vie) alors on s’attache à bien le faire, pour que vous vous y retrouviez, mais aussi pour ne pas perdre le trésor de la foi auquel vous tenez. Alors si on est heureux de vous donner de notre temps, ça veut pas dire que c’est gratuit.

c’est un chrétien, il a fait ses deux communions

Ah ben ça fait pas beaucoup ! les deux communions (la petite/privée/première et la grande/solennelle/deuxième) sont des étapes de la foi d’un enfant, mais la communion, la messe, n’est pas censée être célébrée DEUX fois dans la vie, mais régulièrement, chaque dimanche, même, pour ne pas mourir de soif loin de la source qui est le Christ. En plus, la profession de foi (maladroitement appelée 2e communion) est simplement une célébration à l’orée de l’adolescence, mais qui, symboliquement, compte beaucoup moins que la confirmation qui est nécessaire pour devenir un chrétien adulte. Dire “il a fait ses deux communions”, c’est comme dire “c’est un intello, il a réussi son CE1”, c’est un bon signe, mais simplement un bon départ.

on le fait baptiser pour pas qu’il soit enterré comme un chien

D’abord tout le monde peut prétendre à être enterré dans un cimetière (sous réserve de payer et de justifier d’un lien, c’est avec la mairie qu’il faut voir ça) et surtout la miséricorde de Dieu accueille tous les hommes dans son amour. Devenir chrétien, c’est goûter dès à présent de cet Amour, et le laisser nous transformer pour essayer de devenir aussi bon qu’il nous a destinés à être. C’est un beau programme qui dépasse largement les portes des cimetières.

ah bon, le parrain doit être chrétien?

Le parrain est un aîné dans la foi qui a pour charge d’aider les parents dans leur responsabilité de transmettre la foi. S’il est non-baptisé/bouffeur de curé/athée, ça devient vite incohérent. Techniquement, il devrait même avoir fait sa communion et reçu la confirmation pour être adulte dans la foi. C’est pas juste un bon pote. Ah et en passant, devenir parrain ne donne aucun droit juridique sur l’enfant en cas de souci des parents. Ca ne vaut rien devant la loi de la République.

– le Corps du Christ. – merci

Ben voilà, vous avez suivi tout le monde dans la procession et quand le prêtre vous a montré l’hostie (le machin blanc et rond), vous avez gentiment répondu merci. Vous êtes grillé. Pour les chrétiens, ce morceau de pain est présence du Christ, rencontre ineffable qui appelle une réponse “Amen” qui veut dire “je crois, c’est vrai, c’est bon”. Pas « merci ». Et pour recevoir le corps du Christ, il faut être baptisé et s’être préparé pendant plusieurs semaines.

vous faites voeu de chasteté, vous les curés.

Non plus. En revanche, on promet de vivre un célibat (qui est abstinence de toute pratique sexuelle) et de conformer notre vie à celle du Christ. Mais on ne fait pas voeu de chasteté, ça, ce sont les religieux.

une bien belle messe, msieur l’abbé

cette phrase (déjà un peu facile) ne marche pas pour un baptême, un mariage sans messe, une inhumation. Pour qu’il y ait “messe”, il faut qu’il y ait MESSE (c’est à dire pas uniquement une célébration, mais une célébration où le prêtre prend le pain et le vin, dit la prière pour qu’ils deviennent Corps et Sang du Christ, et qu’il les partage.)

bonjour msieur l’curé

Tous les prêtres ne sont pas curés. Le curé, c’est le responsable de la paroisse, il peut avoir avec lui des adjoints (vicaires) et collaborer avec d’autres prêtres (aumôniers, professeurs, etc.) Curé, c’est une des fonctions que peut avoir un prêtre.

vous l’inscrivez au cathéchisme?

Y A PAS DE H à catéchisme. C’est à cathédrale qu’il y en a un, bordel.

le Christ, il était gentil, lui, il pardonnait à tout le monde.

C’est bien gentil de vouloir sermonner sur le Christ et l’Evangile, mais allez plutôt relire l’Evangile de Marc, vous allez abandonner toute idée de guimauve. Une charité sacrément exigeante, le Jésus.

le Christ et Marie-Madeleine, enfiiiin, mais c’est évident, non?

Ben si c’est évident, (et vu que la Genèse passe ses deux premiers textes à parler de l’union de l’homme et de la femme comme fondatrices de toute société et profondément bonnes et à l’image de Dieu) pourquoi l’Evangile n’en parle pas? On parle bien dans l’Evangile des relations tendues de Jésus avec sa mère, ce serait tout de même incroyable qu’on ne parle pas de sa femme.

De toutes façons, on a tous le même Dieu

Aborder ce sujet par cette affirmation plante toute capacité de dialogue, réduit les différences à rien. Si Dieu est unique, il serait maladroit de croire que toutes les manières de le dire, le rejoindre, le prier, l’aimer doivent être prises pour équivalentes. Dieu est sans doute unique mais les mots des hommes ne parlent pas tous du même.

il est bien, le pape François, il est mieux.

non. il est bien tout court. L’autre aussi était bien.

« Le pape François, lui, il dit : Qui suis-je pour juger ?… »

ça tombe bien, on est d’accord avec le pape. On ne vous juge pas. ça ne veut pas nécessairement dire qu’on va trouver tout ce que vous faites « top moumoute » non plus, hein.

ah si tous les prêtres étaient comme vous.

Les autres sont mieux, en fait.

Bonjour Monsieur

C’est gentil de m’appeler par le diminutif de monseigneur, mais nous n’en sommes pas encore aux diminutifs, et je ne suis pas évêque. donc non.

One thought on “Une question de langage

  • 26 mars 2015 à 16h47
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    Souvenirs, souvenirs…
    Grande communion, non non elle n’était pas très ‘’solennelle’’, elle était même très bruyante !
    Il y a un petit groupe de rescapés de cette ‘’solennel lité ’’ qui se retrouve régulièrement depuis de nombreuses années pour bien rigoler et se souvenir de cette année-là et de bien d’autres années de notre jeunesse…
    Et, cerise sur le gâteau, ces joyeux rescapés auront tous 60 ans en 2015.

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